Un juge d'instruction anversois est contraint devivre depuis des mois dans une planque ou "safehouse", sous protection policière, après de graves menaces émises à son encontre par des narcotrafiquants, rapporte De Standaard jeudi. Les présidents de l'Association des juges d'instruction tirent la sonnette d'alarme et demandent à ce que leur métier soit sécurisé.
"Les criminelss'en prenaient aux policiers, ils s'en prennent aujourd'hui auxmagistrats". Ce constat est celui de Jean-Louis Doyen, l'un des présidents de l'Association des juges d'instruction. Il dénonce l'insécurité croissante dans laquelle les juges doivent aujourd'hui travailler. "Le phénomène s'intensifie, estime-t-il. Le milieu criminel n'hésite plus à s'en prendre aux magistrats ou à leur famille.L'idée est de l'effrayer ou de l'empêcher de continuer son enquête", explique Jean-Louis Doyen. Mais les menaces prennent aussi la forme d'un "contrat sur la tête d'un magistrat", comprenez un contrat pour l'exécuter.
Un juge d'Anvers menacé par un criminel emprisonné
En conséquence, les juges d'instruction et magistrats doivent parfois vivre reclus. "Des collègues juges d'instruction sont placés sous sécurité spéciale, décrit Jean-Louis Doyen. Un autre collègue a dû se cacher et vit depuis des mois dans une planque sous haute surveillance policière". Ce collègue est un juge d'Anvers, il a étémenacé par un criminel pourtant en prison. "Ils ont un réseau suffisamment étendu pour l'actionner et trouver les bonnes personnes pour mettre à exécution ces menaces", éclaire Jean-LouisDoyen.Le parquet d'Anvers a confirmé qu'une enquête judiciaire était en cours concernant cette affaire.
L'insécurité croissante résulterait des enquêtes menées au sujet de la criminalité organisée. Après le coup de filet suivant l'investigation Sky ECC, au cours de laquelle la police a réussi à intercepter et à déchiffrer des millions de messages confidentiels et cryptés entre malfrats, des milliers de suspects ont été interceptés depuis 2021. Certains, qui ont été condamnés ou sont en détention provisoire, sont considérés comme des barons internationaux de la drogue.
"Dans des GSM saisis appartenant à des criminels, nous avons retrouvé les noms et numéros de plaques d'immatriculation de juges d'instruction", pointe PhilippeVan Linthout, autre président de l'Association des juges d'instruction. Certains suspects font mention de détails personnels de la vie de magistrats pour démontrer qu'ils savent qui ils sont, affirme-t-il aussi.
Pas assez protégés, les juges ?
Selon Jean-Louis Doyen, certains juges sont plus protégés que d'autres. "Cela dépend du lieu où ils travaillent", explique-t-il. "Au palais de justice de Bruxelles,on passe dans un sas de sécurité. Mais cela n'existe pas partout", rappelle-t-il. C'est ainsi que, parfois, un juge d'instruction se retrouveconfronté à une personne "sans aucune mesure de protection", se plaint Jean-Louis Doyen.
Que faire ? "Il faut prendre des mesures"
Pour Jean-Louis Doyen, il faut de toute urgence "sécuriser les locaux dans lesquels les juges travaillent, avoir une culture de la sécurité puisque les magistrats sont amenés à travailler sur des affaires sensibles et protéger leurs données privées".